ALLOCUTION DU MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT DE LA REPUBLIQUE D’HAITI, MONSIEUR JOSEPH JOUTHE A L’OCCASION DE LA COP24 EN POLOGNE
Monsieur le Secrétaire Général des Nations-Unies,
Mesdames et Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement,
Madame la Secrétaire Exécutive de la Convention,
Monsieur le Président de la Conférence,
Mesdames, Messieurs,
Au nom du Président de la République d’Haïti, Son Excellence Monsieur Jovenel MOÏSE, au nom de la délégation haïtienne et en mon nom propre, j’ai honneur d’exprimer ma profonde gratitude aux autorités et au peuple polonais pour l’accueil chaleureux et leur grande hospitalité. Je profite également de l’occasion pour présenter toutes mes félicitations à la République des Fidji pour son leadership éclairé tout au long des négociations de cette année qui nous ont conduit à cette présente COP dont l’issue doit envoyer un signal fort pour des actions climatiques plus ambitieuses à la dimension du problème.
Je m’en voudrais de ne pas reconnaître l’engagement inconditionnel de M. Antonio GUTERRES, Secrétaire Général des Nations Unies ainsi que le dévouement soutenu de Madame Patricia ESPINOSA, Secrétaire Exécutive de la Convention, dans la longue lutte contre les changements climatiques.
Monsieur le Président,
Il y a de cela environ 3 ans, en adoptant l’Accord de Paris, la communauté des nations a effectué un saut qualitatif dans le long périple vers une société plus sobre en carbone et plus résiliente aux changements climatiques. Néanmoins, loin d’être un aboutissement, l’adoption dudit Accord ne constitue qu’une étape de franchie dans le long processus visant à juguler ce problème environnemental et sociétal d’envergure exceptionnelle. En effet, il reste encore du chemin à parcourir, notamment sa mise en œuvre effective guidée, entre autres, par un niveau d’équité sans précédent. Dans cette perspective, il devient plus qu’urgent de finaliser au cours de la présente COP le recueil des règles devant faciliter l’implémentation définitive de cet important instrument multilatéral dont les retombées ne contribueront qu’à paver la voie vers l’endiguement du problème. Celui-ci requiert des actions immédiates et à des échelles sans précédent. Le plus récent rapport spécial du GIEC sur le 1.5 degré Celsius, adopté en Corée du Sud et dont mon pays accueille favorablement, vient de nous confirmer sans équivoque l’urgence d’agir.
Mesdames, Messieurs,
Selon ce rapport sollicité explicitement par tous les pays-Parties ici présents, il est encore possible de limiter le réchauffement à 1.5 degré Celsius par rapport aux niveaux préindustriels à condition de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 45% par rapport à 2010 d’ici l’horizon 2030. Comme on peut le constater, la fenêtre pour un changement de paradigme dans les modèles socio-économiques actuels et pour l’adoption de modes de vie plus sobres en carbone se réduit de plus en plus. Comme l’ont si bien dit les scientifiques de ce groupe intergouvernemental lors d’un événement tenu au cours de la semaine écoulée « chaque année compte », « chaque augmentation de température aussi petite qu’elle puisse paraitre amène son lot de conséquences négatives, son lot de catastrophes ». Ceci est d’autant plus vrai pour les pays et petits états insulaires en développement comme Haïti qui sont les plus vulnérables aux conditions climatiques adverses issues des changements climatiques. L’attente ne peut pas et ne doit pas être un option.
Monsieur le Président,
Pour mon pays Haïti, chaque année d’inactions se traduit par des conséquences négatives considérables voire irréversibles sur les secteurs vitaux de la vie nationale. On se rappelle encore du passage de l’ouragan Matthew, de catégorie 4, qui a frappé en Octobre 2016, quatre (4) des dix (10) départements du pays et qui a occasionné 2,78 milliards de dollars US de dommages et de pertes, soit plus de 20% du Produit Intérieur Brut; un millier de morts ; et 1,4 millions de personnes sinistrées ainsi que des dégâts écologiques inestimables. Jusqu’à présent, mon pays peine à s’y remettre, car dans l’intervalle d’autres phénomènes météorologiques extrêmes, comme la sécheresse, ont été enregistrés dans d’autres régions du pays, obligeant ainsi l’État à mettre ses maigres ressources financières dans la réhabilitation simultanée de plusieurs localités. Tout ceci compromet de façon significative non seulement ses capacités d’action contre les changements climatiques, mais aussi ses efforts pour l’atteinte des ODD, notamment ceux relatifs à l’éradication de la pauvreté et à la promotion d’une croissance économique durable. Les faits sont là et ils sont solidement démontrés par la science, donc plus de prétextes pour une action mondiale célère.
Bien qu’ayant contribué très faiblement au problème, mon pays, selon le principe de responsabilités communes mais différenciées de la Convention repris dans l’Accord de Paris, s’évertue à jouer sa participation dans cette noble bataille contre cette menace mondiale que représente le réchauffement climatique. Depuis l’adoption de l’Accord de Paris, on ne ménage aucun effort pour mettre sur pied ou pour renforcer les institutions impliquées dans la lutte contre les changements climatiques et pour élaborer et suivre la mise en place des documents stratégiques susceptibles d’augmenter la résilience du pays du climat et de le rendre moins dépendant des énergies fossiles. De façon plus spécifique, le gouvernement auquel j’appartiens met tout en œuvre pour la réalisation d’une campagne massive de reforestation à travers le pays. Pour ce faire, il a déjà, entre autres, mis sur pied plusieurs centres de germoplasmes forestiers et fruitiers à la fine pointe de la technologie. De plus, des projets d’énergies renouvelables sont en préparation ou en cours d’exécution. Toutefois, le défi est de taille et Haïti, à l’instar des autres pays et petits états insulaires en développement, ne pourra pas y arriver seul. Fort de cette idée, on mise beaucoup sur un multilatéralisme fonctionnel et surtout inclusif. Dans cette optique, mon pays renouvelle solennellement son appui à l’admission de la République de Chine (Taiwan) comme observateur dans les COP.
Mesdames, Messieurs,
Faisons donc de cette COP celle qui a non seulement admis l’urgence d’agir et d’agir maintenant selon le principe d’équité et de différenciation des pays-Parties mais qui a aussi posé les bases solides pour des actions ambitieuses constituées d’initiatives innovantes et d’envergure sans précédent en matière d’atténuation, d’adaptation, de renforcement de capacités et de financement climatique. Dans cette perspective, la République d’Haïti, à l’instar des autres pays membres du G77 et la Chine, de l’AOSIS, des PMA et du GRULAC, appuie pleinement toutes décisions qui porteront sur :
- la reconnaissance de l’importance du rapport spécial du GIEC sur les impacts d’un réchauffement de 1.5 degrés Celsius;
- l'irréversibilité des engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris ;
- la nécessité du rehaussement des ambitions d'atténuation ;
- l'avancement de l'action climatique avant 2020 ;
- la mise en œuvre intégrale de la question des pertes et préjudices ;
- une meilleure accessibilité aux différents mécanismes financiers ;
- le respect des engagements financiers des pays développés pour alimenter le Fonds vert climat ; et
- un nouvel objectif en matière de financement climatique tel que stipulé dans l’Accord de Paris
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Nous devons éviter d’être au banc des accusés des générations futures pour avoir été celle qui a reconnu l’existence du phénomène et l’urgente nécessité d’agir mais qui a pourtant choisi d’adopter le statu quo. Pour les petits fermiers, les gens vivant des ressources marines et côtières et ceux dont la survie dépend de certains écosystèmes stratégiques, montrons-nous à la hauteur de la tâche, terminons le programme de travail pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris, ensuite attelons-nous à rehausser et à mettre en œuvre nos ambitions pour le bien-être de toutes les générations. On ne peut plus attendre, « chaque année compte ».
Je vous remercie!