DISCOURS DU MINISTRE M. JAMES CADET POUR LA CELEBRATION DE LA JOURNEE MONDIALE DE L’ENVIRONNEMENT
DISCOURS DE CIRCONSTANCE DU MINISTRE JAMES CADET
CELEBRATION DE LA JOURNEE MONDIALE DE L’ENVIRONNEMENT
5 JUIN 2022
HOTEL RITZ KINAM, PETIONVILLE, HAITI
Chers (es) concitoyennes et concitoyens,
Ce 5 juin marque la journée mondiale de l’Environnement qui est célébrée cette année, autour du thème « Une seule Terre ».
De son côté et toujours dans la même lignée, Haïti, à travers le Ministère de l’Environnement, et sous le haut patronage de la Primature, a décidé de consacrer tout le mois de juin, comme « Mois de l’Environnement » ; tel que je l’avais déclaré et lancé mercredi dernier.
Les réflexions et les engagements se porteront de ce fait, autour du thème national « Une Offrande à la terre nourricière » / « Respè pou manman la Tè ». Une opportunité inédite pour propulser tout un éventail d’actions sur tout le territoire national, en vue notamment d’adresser la problématique des terres haïtiennes, supportant un ensemble d’écosystèmes en voie de dégradation et soumis à un niveau de stress critique.
En vous accueillant ici ce matin, à cette cérémonie officielle, je veux vous assurer que je mesure la gravité et l’ampleur de la responsabilité qui m’incombe. Parler d’environnement dans ce contexte de crises socio-politique, économique, sécuritaire et alimentaire, revient surtout à nous engager collectivement à une transformation profonde et durable de notre relation à la nature.
C’est ainsi que vous aurez l’occasion dans très peu de temps, d’apprécier l’exposition sur « Les oiseaux d’Haïti », que nous vous proposons, pour mettre en valeur l’œuvre d’un environnementaliste exceptionnel, le photographe René DUROCHER, mais surtout et avant tout pour mettre en exergue la beauté et la richesse de notre biodiversité, aujourd’hui plus que jamais menacée.
Permettez-moi en outre, de remercier le Premier Ministre Ariel HENRY, qui depuis la prise de ses fonctions, a toujours tenu à rappeler à plusieurs reprises, que le secteur environnement doit être au cœur de l’action gouvernementale, et étant donné sa transversalité, de surtout en faire un enjeu national.
A la longue liste des problèmes de différentes natures qui nous atteignent, nous nous trouvons face à une crise environnementale des plus accablantes. Aussi, sommes-nous convaincus au niveau du gouvernement, que les problèmes environnementaux surgissent comme autant d'injonctions pratiques, sous la forme de risques à conjurer dans l'urgence.
Nous venons d’entrer de plein pied dans la saison cyclonique, laquelle s’annonce des plus difficiles, et donc risque d’accroître notre vulnérabilité. En tant que Petit État Insulaire en Développement, et de par notre position géographique, nous nous trouvons sur la route des cyclones, et nous sommes donc exposés de plein fouet à ces catastrophes naturelles. J’en profite pour réitérer mon appel à la vigilance à la population haïtienne, particulièrement celles et ceux vivant dans les zones les plus à risque. De concert avec la Protection Civile, les municipalités, et les partenaires du Ministère, nous allons tout faire pour nous donner les moyens de mieux nous préparer et de pouvoir répondre rapidement aux urgences liées à la gestion des risques et catastrophes naturelles. Je tiens entre autres à remercier vivement la DPC, ainsi que toutes les structures locales qui ont été déployées pour secourir les populations du Grand Sud à la suite du séisme du 14 août dernier. Je suis fier des interventions qui ont été menées sans relâche en ce sens.
En dehors de ce qui vient d’être susmentionné, le pays doit aujourd’hui faire face , à la pollution des bassins versants et la sédimentation des rivières, de même qu’à la surexploitation des ressources renouvelables, à la pollution des eaux souterraines et l’épuisement des nappes phréatiques. Je viens d’être informé d’une situation consternante à la suite d’une alerte lancée par les garde-côtes Néerlandaises, Jamaïcaines, aidés par les Etats-Unis au niveau de la mer des Caraïbes suite à un accident d’un navire pétrolier en mer, à proximités des côtes jamaïcaines entrainant une marée noire du au diesel probablement. Une situation qui menace d’accroître la pollution de nos mers mais qui démontre le caractère universel des problèmes environnementaux et climatiques. Tout ce qui affecte l’autre peut aussi avoir de graves répercussions sur nous. C’est donc peu de dire que la question environnementale et climatique peut avoir des conséquences géopolitiques, sociales, économiques, migratoires inimaginables.
Pour revenir chez nous,, la pollution de l’air couplée aux graves problèmes d’urbanisation sont des faits incontestables. Entre autres , La gestion des déchets en particulier constitue un défi récurrent à relever par nos municipalités malgré les efforts qui pourtant ont été réalisés en ce sens ces dernières années. A cela, nous pouvons ajouter les épisodes climatiques alternés d’inondations et de sécheresse, qui affectent durablement la production nationale. Souvenons-nous des pertes et dégâts causés par l’ouragan Mathew en 2016, et du séisme du 14 août dernier qui a frappé la péninsule du Sud. Souvenons-nous de Jeanne, Anna, Ike, ces cyclones qui ont ravagé l’Artibonite entre 2004 et 2008.
Tout cela combiné à l’appauvrissement systématique des sols, ne fait que concourir à l’intensification de la fracture environnementale, et à l’amplification des inégalités sociales, et des tensions politiques. Sur le plan économique la facture est salée. Depuis 1971, c’est en moyenne 2% du PIB du pays qui s’envole chaque année, en raison des catastrophes naturelles ; les économistes Emmanuela Douyon, Etzer Emile, Camille Charlmers et Thomas Lalime qui interviennent présentement dans les locaux de Banj, dans le cadre de notre évènement parallèle baptisé « Dialogue haïtien sur l’économie et l’environnement » autour du sujet « Réconcilier l’économie et l’environnement : enjeux et perspectives pour Haïti, en diront davantage à la population haïtienne, donneront les chiffres exacts de notre profil économique. Mais sachez qu’il nous faudra mobiliser plus de 2 milliards de dollars dans le cadre du Plan de Relèvement Intégré de la Péninsule du Sud (PRIPS). Objectif capital dans la feuille de route gouvernementale, que le Premier Ministre Ariel HENRY a encore évoqué peu avant son départ pour le sommet des Amériques.
Pour revenir au thème central du « Mois de l’Environnement », il convient de prendre à bras le corps, la problématique de nos terres dans une dynamique de corrélation de l’action publique et du bien être humain. Cette problématique s’impose tout naturellement comme l’une de nos priorités incontournables et un axe névralgique majeur de la stratégie d’intervention. Cela suppose un changement de paradigme devant se traduire par une réforme de la gouvernance de nos sols, de nos terres, à travers une politique rationnelle contraire à celle qui a toujours prévalu. Il nous faut alors parvenir à lier la précaution à l’innovation, l’environnement à l’économie.
Mais, vous l’aurez compris, ce n’est pas d’un jour ou d’un mois d’attention dont nous avons besoin. Le Ministère de l’Environnement voudrait une fois de plus exprimer, sa volonté de s’engager pour l’écologie, pour l’environnement, de faire en sorte que les générations futures puissent retrouver espoir et vivre mieux. Elles ne devront pas avoir l’obligation de traiter à notre place une dette environnementale que nous leur laisserions impunément.
Voilà pourquoi le « Mois de l’Environnement » qui a d’ailleurs été officiellement lancé le 1er juin dernier, vise à renforcer la plateforme constituée de partenaires techniques et financiers de l’international, d’organisations de la société civile, du secteur privé, des universités et des écoles professionnelles, des associations de planteurs, des médias ; pour poursuivre le plaidoyer consistant à trouver des solutions innovantes et durables aux préoccupations susmentionnées, et garanties par un cadre de gouvernance environnementale adaptée, et indissociable de l’engagement continu de tous les citoyens. De l’implication des créateurs et des artistes devant éveiller les consciences, et mobiliser la jeunesse, de la révision du corpus juridico-légal, de l’investissement conséquent privé et public, du développement des technologies appropriées, de la mise en œuvre d’un schéma d’ordonnancement territorial, sont entre autres des étapes importantes à franchir afin de parvenir à articuler la conciliation des intérêts immédiats des utilisateurs de ressources locales avec la reprise des processus écologiques fondamentaux.
Et, ensemble nous pouvons et allons dévaler les pentes difficiles et conjurer nos efforts afin de mettre en œuvre les principales activités suivantes durant tout le mois de juin à savoir :
- Le plan d’opération d’urgence de gestion des déchets sur le territoire national, pour assainir et améliorer le cadre de vie de nos villes ;
- Le lancement d’une campagne de reboisement baptisée « Eco-Challenge », avec pour objectifs de faire pousser plus de 10 millions d’arbres dans tout le pays ; Cette initiative s’appuiera en particulier sur les directions départementales déconcentrées du MDE, les différents centres de germoplasme ainsi que sur les interventions directes sur le terrain des principales organisations écologiques implantées localement ;
- La parution du premier magazine thématique « Kalson Wouj Magazine », pour mieux communiquer avec la population haïtienne en général sur les actions du MDE et les défis du secteur ;
- Le lancement du concours national interscolaire sur l’environnement et le climat dénommé « Eco-Génie » dans le cadre de l’application du décret du 15 janvier 2021, portant Intégration de l’Education Relative à l’Environnement (ERE) dans le système éducatif haïtien ;
- L’inauguration de deux bibliothèques vertes à Port-au-Prince et au Cap-Haïtien, pour encourager la recherche scientifique à l’université dans le secteur ;
- L’inauguration de trois kiosques environnementaux et sanitaires dans trois marchés publics à Pétion-ville entre autres.
Comme je ne cesse de le souligner, les effets néfastes des phénomènes météorologiques extrêmes constituent une menace et un défi croissants pour notre développement socio-économique et la préservation de nos ressources naturelles, ainsi que de nos écosystèmes.
Je suis définitivement convaincu que quoique ardue, la tâche n’est pas impossible à surmonter. Il n’y a pas de fatalité. Nous sommes à un carrefour historique, face à une responsabilité pesante et décisive, où plus que jamais, nous devons faire preuve de volontarisme et d’une grande foi à changer l’avenir pour nous et les générations futures. Tôt ce matin, Me Patrick Laurent m’a envoyé ce message : « Le respect de l’environnement, la protection pour l’environnement, l’éducation environnementale suffisent pour changer toute une nation ». Je profite de cette tribune pour le remercier publiquement pour sa grande contribution à la littérature « verte », la littérature Eco haïtienne ». Merci cher ami pour ton dernier ouvrage intitulé « La protection de l’environnement dans le système de protection interaméricain des droits de l’Homme ».
Dans ce même élan de cœur, j’adresse tous mes sincères remerciements à toutes celles et ceux, qui chaque jour, sans rechigner, s’attèlent à poser leur pierre, à l’édifice d’un environnement sain, et résilient. A celles et ceux, qui tardent encore à monter dans le train, à vous toutes et à vous tous qui nous avez gratifié de votre prestigieuse présence. A vous toutes haïtiennes, à vous tous haïtiens, toute couches et catégories confondues, je dis Bougez-vous. Nous devons agir ici et maintenant. Plus tard sera trop tard.
Bon mois de l’Environnement à tout en chacun.